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Le ballon rond à la place des armes

  • Andréa
  • 28 avr. 2021
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 mai 2021


Depuis la Crise des Malouines en 1770, les diverses revendications de possession de l'archipel cristallisent les tensions entre l'Argentine et le Royaume-Uni.

Cette rivalité entre les deux nations va atteindre son paroxysme le 2 avril 1982, déclenchant un conflit armé qui s'est avéré être fugace mais dont l'intensité était très élevée.

Quatre ans plus tard, les armes et les frégates militaires se sont effacées au profit du ballon rond. A l'occasion de la Coupe du Monde 1986, les Malouines se délocalisent à Mexico. Retour sur une rencontre à la symbolique forte.


Le contexte


Les îles Malouines, ou Falkland en anglais se situent à environs cinq-cents kilomètres du littoral argentin.

À la fin du XVIII ème siècle, une première crise diplomatique liée à la possession de ces îles éclate.

D'une part, nous retrouvons l'Espagne (soutenue par la France) qui revendique la découverte de cette terre, d'autre part, le Royaume de Grande Bretagne avançant les mêmes revendications que les espagnols.

Suite au manque de soutien français, les deux revendicateurs parviennent à un compromis, évitant par ce fait un conflit direct. Cependant, les deux nations n'entérinent pas leurs velléités sur la souveraineté de ces archipels.


Quasiment deux-cent ans après ces premiers incidents, et un processus de décolonisation progressif, l'Argentine et le Royaume-Uni perpétuent leur discorde sur un territoire de plus en plus stratégique.


Après une révolution et un coup d'état en 1966, l'Argentine est sous une dictature militaire menée par différentes juntes armées qui se succèdent à la tête du pays.


Le Royaume-Uni quant à lui est dirigé depuis 1979 par la conservatrice Margaret Thatcher qui engage entre autre une métamorphose de l'économie britannique.

Soixante-treize jours de conflit direct

Dans une atmosphère instable et une violente crise économique, la dictature militaire mené par le général Leopoldo Galtieri au pouvoir depuis 1981, croyant à un rebond économique et social, mobilise une force armée dans la perspective d'envahir les Malouines.

Dans un contexte de Guerre Froide, l'Argentine forte d'une assez bonne relation avec les Etats-Unis, comptent sur une protection des Nations Unis.

Le 2 avril 1982, l'Opération "Rosario" est lancée, les troupes argentines débarquent aux Malouines, Buenos Aires est en liesse.


La réaction britannique ne se fait guère attendre. La première ministre réputée pour sa poigne et sa fermeté, expédie une flotte armée en direction des Falkland.


La junte militaire argentine est prise de court ne s'attendant pas à une guerre imprévue. Le pouvoir en place fait appel à de nombreux volontaires peu qualifiés et ne peut faire face aux forces aéronavales britanniques.


Le 30 avril 1982, un blocus est organisé par la Royal Navy épaulée de près par la Royal Air Force. Malgré une timide tentative de contre-attaque argentine, les troupes anglaise parviennent deux semaines plus tard, à entrer à Port Stanley (capitale des îles Malouines).

La junte capitule, les Malouines demeureront britanniques.

Les pertes humaines sont considérables au vue de la brièveté du conflit. Au total, 649 argentins auront perdu la vie contre 255 dans le camps britannique.


L'issu du conflit permettra à la "Dame de Fer" d'améliorer sa popularité et sa réputation ce qui lui ouvrira la voie à un succès de son parti aux élections de 1983.


A l'ouest des Malouines, la situation semble beaucoup plus problématique pour le pouvoir en place qui essuie là une sévère débâcle militaire. La défaite de la junte précipitera la chute de la dictature militaire depuis la mise en place du "processus de réorganisation nationale" en 1976. Ce chamboulement politique du pays amorcera une transition démocratique progressive jusqu'à l'élection du président Raùl Afonsin en 1983.


Coupe du Monde 1986: un quart de finale pas comme les autres


Quatre ans après le début du conflit des Malouines, les deux nations belligérantes se retrouvent en quart de finale du mondial mexicain. Les relations diplomatiques des deux pays n'ont toujours pas connues de renouvellement.


Sur l'aspect sportif, ce sont deux prétendants au titre mondial qui s'affrontent.


L'Albiceleste, menée par un Diego Maradona au sommet de son art, termine première de son groupe devant l'Italie et se défait de l'Uruguay (1/0) en huitième de finale.


L'Angleterre quant à elle parvient, non sans peine à sortir de la phase de poule derrière une surprenante équipe marocaine. Les "Tree Lions" surclassent le Paraguay (3/0) grâce notamment à un doubler de leur attaquant vedette qui terminera meilleur buteur de la compétition, Gary Lineker.


Suite au passé conflictuel des deux nations, la rencontre s'accompagne d'une forte friction qui cristallisent les tensions des deux camps.

L'atmosphère pesante qui règne avant le match est mise en exergue par une déclaration du portier argentin Nery Pumpido, " Battre les anglais sera une double satisfaction pour ce qui s'est passé après les Malouines". Du côté britannique, le tabloïd The Sun titre sur "le débarquement de 5000 hommes" anglais qui supporteront leur nation.


Nous sommes donc le 22 juin 1986 sous la chaleur étouffante de Mexico, il est midi heure locale, 115 000 spectateurs s'entassent dans les tribunes du stade Azteca prêts à vivre la première confrontation entre les deux équipes depuis les Malouines.


Le coup d'envoi est lancé. Le premier acte est disputé et rugeux.

Les anglais parviennent à étouffer le jeu du numéro 10 argentin en glissant quelques coup bas au passage.

Les vingt- deux hommes rentrent aux vestiaires sur un score de 0/0.

Quinze minutes plus tard, le jeu reprend. Nous jouons la cinquante-cinquième minute, sur un ballon mal dégagé de la défense anglaise, le gardien anglais Peter Shilton loupe totalement sa sortie. Du haut de son mètre soixante-cinq, Maradona prend son envol, fais mise de jouer le cuir avec sa tête, mais marque avec la main gauche.


"Hand ball! Please referee!" Gary Lineker suivi de ses coéquipiers Terry Fenwick et Glenn Hoddle, supplient l'arbitre central tunisien Ali Bennaceur. Ce dernier se dirige vers ses assistants, personne ne relève la faute de main. "No hand! Please, play".

La main de dieu est née.

La stupéfaction envahit toutes les chaînes de télévision de la planète.

En France, Thierry Rolland sur TF1 s'adresse à son compère Jean-Michel Larqué en faisant preuve d'une forte condescendance à l'égart de l'arbire,"Honnêtement Jean-Michel, ne croyez-vous pas qu'il y a autre chose qu'un arbitre tunisien pour arbitrer un match de cette importance?".

Les anglais, secoués, peinent à se remettre dans le match.


Cinq minutes après le premier but, Maradona reçoit le ballon, dos au but, dans une zone dangereuse, marqué par deux joueurs anglais.

Théoriquement, "el pibe de oro" devrait remiser en une touche à sa défense. Grâce à un magnifique contrôle, le génie argentin efface les deux anglais à ses trousses puis traverse le terrain avec une aisance déconcertante et une résistance aux charges anglaises impressionnante. "El diez" entre dans la surface de réparation, d'un ultime crochet extérieur sur le gardien, Maradona assène le coup de grâce en poussant le ballon dans le but vide. Les 115 00 spectateurs de Mexico ont assisté au "but du siècle".


La planète football est éblouie par le génie du natif de Buenos Aires.

Les joueurs d'outre manche sont les premiers admirateurs du talent de l'attaquant de Naples. Le défenseur Terry Fenwick revient sur cette action mythique,"il était habité". Tous aficionados du sport roi qui se respecte garde en sa mémoire ce but d'anthologie et les paroles orgasmiques du commentateur à la Télé argentine, Victor Morales.


Malgré une réduction du score à dix minutes du terme de la rencontre, l'Argentine sort gagnante de ce duel historique. L'albiceleste s'envole vers le titre final qui arrivera une semaine plus tard après une victoire 3/2 sur l'Allemagne de l'Ouest.

Réactions et joie argentine


La victoire argentine a permis de lever l'affront de l'injustice ressentie par le peuple argentin après les événements des Malouines.


Dans son livre Ma vérité parut en 2016, Diego Maradona revient sur l'importance de ce match, "pour nous, il n’était pas question de gagner un match, il s’agissait d’éliminer les Anglais, on voulait rendre honneur à la mémoire des morts. »

Cette motivation est reprise par Terry Butcher (dans un témoignage paru dans le magazine SoFoot intitulé "Maradona, Fou,Génial et Légendaire), "c'était une manière pour lui de nous faire ressentir l'injustice dont il estimé son pays victime".

Dans le même magazine, l'attaquant argentin Jorge Valdano déclare: "Avec des bombardiers vous pouvez nous battre mais sans eux, c'est nous qui gagnons". Valdano finit par comparer Maradona au général San Martin (héros des indépendances sud-américaines).


Du côté anglais, la pilule a du mal à être avalé.

En 1991, à l'occasion d'un match amical entre les deux nations à Wembley, de nombreux noms d'oiseaux descendent des travées du stade et accompagnent chaque prise de balle de Maradona. Lors de la phase de poule de la coupe du monde 2002, l'hymne national argentin est conspué par les supporters anglais.


De nos jours, malgré des relations diplomatiques convenables et un référendum d'autodétermination dont le résultat était sans appel ( 99.8% des malouins ont choisi de conserver le statut de territoire britannique d'outre-mer), les tensions, alimentées entre autre par la découverte de gisements de pétrole sur l'archipel en 2010, persistent.

Cependant, la souveraineté des Malouines peut possiblement être remise en cause depuis la sortie de l'Europe du Royaume-Uni quand nous savons que plus de 80% des exportations de l'île sont destinées à cette zone.


Football, politique et société sont intimement liés et c'est tout particulièrement le cas dans des pays populaires comme l'Argentine. Un dimanche de juin 1986 à Mexico, le football, sport roi, a permis à des millions d'argentins de se relever d'une guerre perdue.


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