L'Espérance Sportive de Tunis, un club historique
- Andréa
- 26 déc. 2020
- 7 min de lecture

Cela fait plus de cent ans que l’Espérance sportive de Tunis déchaîne les passions. Bien plus qu’un simple club de football, le «Taraji» est un parfait témoin de l’émancipation de ce pays maghrébin. D’un pays sous protectorat français jusqu’en juillet 1956 à un pays indépendant, en passant par une révolution populaire au début de la dernière décennie, L’EST met en exergue l’évolution de la Tunisie.
Focus sur un club historique.
La naissance du club
Depuis la signature du traité de Bardo le 12 juin 1881, la Tunisie est sous protectorat français. A cette époque, le football est un sport réservé aux colons et notamment aux italiens et aux français.
Après plus de quarante années passées sous tutelle française, la présence coloniale commençait peu à peu a susciter un esprit de résistance chez les locaux.
L’idée de la création d’un club de football dans une communauté arabo-musulmane restreinte à l’occupation coloniale relève d’un acte de soulèvement.
Deux principaux protagonistes sont à l’origine de la naissance de l’EST. Mohamed Zouaoui et Hédi Kallel alors âgés réciproquement de dix-huit et vingt ans créent, par l’intermédiaire de plusieurs connaissances plus ou moins introduites, l’Espérance.
Le nom donné au club n’a rien d’une coïncidence, la légende raconte que les deux esprits rebelles se trouvaient dans un bar nommé Espérance lorsqu’ils ont entrepris de réaliser ce superbe projet. Mais d’une façon plus approfondie, si nous nous attardons sur le mot en lui même, « l’Espérance » évoque, pour ceux qui y croient, un sentiment faisant entrevoir une possible amélioration de la condition de colonisés.
Les deux jeunes hommes plus que jamais déterminés à mener a bien leur projet, font appel à Louis Montassier alors secrétaire de l’administration du gouvernement pour obtenir le feu vert des autorités françaises qu’il obtient le 15 janvier 1919. Montassier est nommé président du club jusqu’en juillet de la même année grâce aux changements de la législation qui visaient à nommer à la tête de toutes associations, un homme français.
L’Espérance Sportive est créée et devient la première association sportive de football 100 % arabo-musulmane en Tunisie.
Au début de son histoire, le club tunisois se vêtit de vert et blanc. Ces couleurs ne sont pas anodines. Elles prêtent allégeance à la foi musulmane et permettent au club de se distinguer des autres équipes de religions différentes.
Le 11 janvier 1920, l’EST livre sont premier match officiel en troisième division. Sa première victoire ne viendra que vingt-quatre jours plus tard face au club sportif des cheminots.
L’arrivée de Cheldy Zouiten
En 1923, le «Taraji » recrute un jeune lycéen du nom de Cheldy Zouiten. Ancien animateur au sein du Football club de Tunis, Zouiten ramène dans ses bagages un jeu de maillot rouge et jaune orné de bandes horizontales. Ces couleurs demeureront par la suite comme un véritable étendard du club.
Le jeune homme, natif de Monastir quitte sa Tunisie natale pour se rendre à Paris afin de poursuivre ses études en chirurgie. Il deviendra d’ailleurs le premier chirurgien-dentiste tunisien.
Loin de Tunis mais toujours impliqué dans le club, Zouiten permettra notamment d’empêcher une tentative de la fédération française de football association visant à annuler la licence de l’Espérance Sportive.
Son retour au sein du club s’effectuera en 1930. Il occupera le poste de président du club pendant près de trente-trois ans.
Sur l’aspect sportif, l’Espérance Sportive accède à la promotion d’honneur (ligue 2) en 1928 . Huit ans plus tard, le club parvient enfin à se hisser en Division d’honneur, la plus haute division nationale.
Son premier sacre national arrive en 1939 après une victoire en finale de coupe de Tunisie face à l’équipe qui deviendra son plus grand rival, l’Étoile Sportive du Sahel.
A l’instar de toutes les pratiques sportives dans le monde, la deuxième guerre mondiale met entre parenthèses tous les objectifs sportifs de l’équipe africaine.
La reprise des compétitions ne s’effectue qu’à partir de 1942, année de la première victoire en championnat des sangs et or. Cette consécration ouvre les portes de la Coupe d’Afrique du Nord organisée par la FFFA.
En 1945, le club alors dénommé Espérance Sportive est rebaptisé Espérence sportive de Tunis. Durant environ une décennie, l’équipe du quartier de Bab Souika ne va plus connaître de victoires majeures malgré être arrivée plusieurs fois près du but.
L’après Indépendance
Le 20 mars 1956, La Tunisie se libère de la tutelle française et devient indépendante. Exit la FFFA. Une nouvelle institution est créée, la Fédération Tunisienne de Football.
Depuis cette date, l’Espérance survole tous ses concurrents sur le plan national en étoffant son palmarès d’année en année. Seule parenthèse à cette hégémonie sportive, la période allant de 1961 à 1971.
En juillet 1963, Chedly Zouiten décède et laisse un grand vide au sein de la famille Sang et Or. Ce n’est qu’en 1970 que L’EST est de nouveau sacrée champion de Tunisie grâce au duo Mrad/ Machouch et participe en 1971 à la Coupe d’Afrique des Champions, une grande première pour un club tunisien.
Mais cette saison 1971 ne se passa pas comme prévu. Le club a été victime d’un des plus gros scandale du football tunisien à ce jour.
En effet, l’Espérance s’est vue accumuler une quantité innombrable de rencontres à disputer. Les matchs de coupes se disputaient en double confrontation, les matchs de championnats n’étaient même pas espacés d’une semaine sans compter les rencontres intercontinentales. Le « Taraji » s'est trouvée dans l’obligation de déclarer forfait en Coupe d’Afrique des Champions pour sa première participation. De plus, la Fédération Tunisienne de Football a émis une interdiction d’exercer toutes activités sportives suite aux débordements liés à cette machination politique.
Il faudra l’intervention du chef de l’état tunisien Habib Bourgiba qui entraîna la suspension de cette interdiction. A son retour au pays, le président Bourguiba se verra être solliciter par les supporters sang et or afin d’éviter de prochaines sanctions à l’encontre de leur club.
Le mécontentement des supporters a eu un retentissement alors jamais vu, comme en témoigne la nomination de Hassen Belkhodja, ancien ministre à la tête de l’EST. Un slogan, « l’espérance est un pays » retentit dans tous les stades de Tunisie reflétant la portée nationale de ce club mythique.
La Présidence Chiboub
La fin des années 1980 et le début des années 1990 marquent une nouvelle ère. Toujours autant dominateur dans les compétitions nationales, l’Espérance va s’émanciper en devenant un acteur majeur à l’échelle continentale.
Avec l’arrivée du nouveau président Slim Chiboub en 1989, le club change totalement de statut laissant derrière lui son amateurisme.
Grâce à un travail de longue haleine et une refonte structurelle du club, l’Espérance Sportive de Tunis a tous raflé. Le taraji remporta le championnat tunisien cinq fois en huit ans, souleva la coupe nationale à trois reprises, une supercoupe d’Afrique en 1996 ou encore une coupe de la CAF 1997. En 1994, l’Espérance devient le premier club tunisien à conquérir la Coupe d’Afrique des Clubs Champions. L’EST, pour la première fois dans l’histoire, a remporté tous les titres organisés par la Confédération Africaine de Football.
La métamorphose du club est mise en lumière par une augmentation significative du budget sang et or entraînée grâce à un management entrepreneurial mise en abyme par l’homme d’affaire Chiboub et ses liens étroits avec le gouvernement tunisien.
En effet, Slim Chiboub est le gendre du président Ben Ali. Plusieurs soupçons de magouilles planent sur le club. La publication du livre noir qui révèle toutes les affaires controversées sous l’ancien régime, dévoile des suspicions plus que crédibles sur des éléments de corruption.
Le changement de siècle sera marqué par une série de désillusion sur le plan continental. Défait deux fois de suite en finale de la ligue des champions en 1999 et 2000, le «taraji » ne parvient pas à remporter une seconde fois le trophée.
A la suite d’une cassure entre les supporters sang et or et le président emblématique du club due à une mauvaise saison, Slim Chiboub est poussé à démissionner.
Suivent trois saisons sans réels succès majeurs et des éliminations prématurées en Ligue des Champions.
Meddeb, le nouveau soufle
Au début de la saison 2007/2008, Hamdi Meddeb, ancien joueur de l’Espérance devient président du club.
Le nouveau patron de l’écurie tunisienne se fixe comme objectif principal d’assainir les finances du club en comblant notamment ses nombreuses dettes.
Pour ce faire, le néo homme d’affaire va privilégier le recrutement de jeunes joueurs à fort potentiel pour en tirer une plus-value lors d’une possible revente. La commercialisation de produits dérivés, le nouveau partenariat avec la Société tunisienne des banques et l’aménagement de nouvelles installations s’inscrivent dans un processus de modernisation du club.
En marge du recrutement de jeunes joueurs, l’ancien professionnel souhaite étoffer son effectif en signant une star africaine par an. C’est alors que des joueurs tels que Michel Eneramo, Harisson Afful ou encore Medji Traoui rejoignent l’équipe tunisienne.
La saison 2011 est la plus aboutie de l’histoire du club. En remportant le championnat tunisien, la coupe de Tunisie ainsi que la ligue des Champions africaine pour la deuxième fois, l’Espérance réalise un triplé historique.
Survolant toujours le championnat national excepté en 2015 à la suite d’une saison médiocre, l’EST peine en ligue des champions.
En 2018, les sang et or se hissent à nouveau en finale de la plus prestigieuses des coupes. Défait trois buts à un au match aller par leur adversaire Al Ahly, le Taraji parvient à renverser la vapeur en s’imposant 3/0 lors du match retour devant une foule de 60 000 spectateurs. L’année suivante, pour le centenaire de ce club si populaire, les joueurs tunisiens offrent à leurs supporters une nouvelle victoire continentale en conservant leur titre de champion d’Afrique.
Suivie par des millions de supporters à travers le monde, l’Esperance Sportive de Tunis est un élément indétrônable du paysage tunisien .
Cent ans de football dans une ville initialement restreinte à la colonisation puis libérée grâce à la force d’un sentiment humain, l’Espoir.

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