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France Algérie 2001: un fiasco identitaire

  • Andréa
  • 14 janv. 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 janv. 2021



Depuis la guerre d’Indépendance et la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962, les relations entre la France et l’Algérie se sont installées dans le débat public. Sujet tabou jusqu’au début des années 1980, les vestiges de l’emprise française sur la population algérienne ont refait surface dans les années 1990.


Le 12 juillet 1998, la France est sacrée championne du monde de football pour la première fois de son histoire. Emmenés par une génération dorée, les bleus remporteront deux ans plus tard l’Euro. Cette équipe, désormais ancrée dans la légende du sport français, était composée de joueurs aux diverses origines. Grâce à l’engouement généré par ces victoires, les médias et les politiques français s’emparent de cette équipe pour vanter les mérites d’un multiculturalisme aidant à développer une identité nationale.

A l’occasion d’un match amical organisé pour fédérer deux communautés, la France accueille l’Algérie au Stade de France, le 6 octobre 2001. Initialement prévue pour fédérer, la rencontre s’est avérée être une véritable représentation du "problème" identitaire en France.

Retour sur un match tristement célèbre.


Un match symbolique


Ce France Algérie 2001 est doté d’une dimension politique.

Avec la volonté de surfer sur la vague positive autour de cette équipe de France cosmopolite, la fédération française de football sous l’impulsion du gouvernement Jospin décide d’organiser une rencontre entre les bleus et les fennecs.


Pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie, la France est opposée à son ancienne colonie.


Ce match a pour but de rapprocher les deux nations tout en harmonisant la société française. A travers des joueurs issus de l’immigration devenus de véritables héros nationaux ( nous avons tous en souvenir le slogan « Zidane Président » projeté sur l’Arc de Triomphe le soir de la victoire face au Brésil), cette équipe de France s’apparente comme étant une réelle figure de proue de la mixité sociale.


De mauvais présages


Une atmosphère de peur gravite autour de cette rencontre. En effet, un mois après les attentats du World Trade Center à New York, l’ombre de la menace terroriste plane sur tous les événements rassemblant un grand nombre de personnes.


Mais la principale crainte des autorités françaises est celle de la "densité émotionnelle" (selon l’ambassadeur algérien en France) propre au face à face entre les deux nations. Un rapport des renseignements généraux avançait les risques de débordements pendant la rencontre.


Malgré cette mise en garde, la ministre des sports, Marie-George Buffet, le président de la fédération française, Claude Simonet décident de maintenir le match. Les effectifs des forces de l’ordre sont augmentés ainsi que ceux des stadiers du Stade de France.


Dès l’échauffement, la tension est palpable, un supporter tente de traverser la pelouse mais celui-ci est rapidement intercepté par la sécurité du stade.


Ce qui devait arriver arriva


A quelques minutes du début du match, l’ambiance est pesante. La Marseillaise est huée, sifflée et conspuée.

Côté sport, la différence entre les deux équipes est trop importante, les bleus dominent sans être mis en danger par une équipe algérienne qui pointait au 73 ème rang du classement Fifa.


Le match se déroule avec respect du côté des 22 acteurs. Dans les tribunes, l’atmosphère reste tendue, les joueurs français sont sifflés à chaque prise de balle. Au terme de la rencontre, l’attaquant vedette de l’équipe de France, Thierry Henry évoquera une « victoire à l’extérieur ».


Un quart d’heure avant le coup de sifflé final alors que la France mène quatre buts à un, une supportrice entre sur le terrain. Elle arbore un drapeau algérien et oblige les joueurs à cesser le jeu.

Quelques secondes plus tard, des centaines de supporters envahissent la pelouse, les stadiers sont débordés, le fiasco peut commencer.


La scène est surréaliste, des milliers de supporters courent sur la pelouse du stade de France, des CRS sont appelés en renfort.


Les joueurs sont sous le choc, certains rentrent dans les couloirs du Stade tandis que d’autres essaient de raisonner les trouble-fête. Lilian Thuram interpelle un jeune homme, « ce n’est pas bien ce que tu fais, tu donnes une mauvaise image de toi aux racistes ». Marie-George Buffet prendra la parole pour calmer la foule, elle se fera copieusement sifflée.

Aucun blessé grave n’est à déplorer.


Une fois la situation rétablie, les questions fusent. Quelles sont les raisons qui ont poussé ces supporters à envahir la pelouse ?


Les premières personnes interpellées mettent en avant l’envie de côtoyer leurs idoles. Cependant, les revendications de certains supporters sont bien plus profondes.


Un jeune homme de 17 ans indiquait « qu’il avait la haine contre la France » et avançait les problème de racisme en France. Ce fiasco s'associe à l’expression d’un problème d’intégration des populations d’origines algériennes.


Ces jeunes se sentent exclus de la société et l’expriment, comme montre le Parisien, "le foot a servi d’exutoire à certains jeunes de banlieue". La classe politique française est affligée. « L’État est bafoué quand de jeunes Français sifflent la Marseillaise » pour Alain Juppé (RPR).



Le football, sport roi, facteur d’intégration dans une société black blanc beur est devenu le temps d’un match politico-sportif, une tribune au mal-être de l’immigration en France. Cette rencontre marqua le début d’une aire de stigmatisation qui atteint son paroxysme lors de la coupe du monde 2010 où, selon Roselyne Bachelot, "des caïds immatures" devenaient des protagonistes du plus gros scandale du football français.


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